Vu que l’annonce d’Intel de la sortie de Xeon « mobiles » semble faire du bruit, une petite mise au point technique s’impose sur ce que ça va apporter. Si le côté technique ne vous intéresse pas, une réponse rapide : rien, à part du marketing.
D’abord, qu’est-ce qu’un Xeon ? C’est un processeur de la gamme professionnelle d’Intel, destiné aux stations de travail (un mot fourre-tout pour dire « un ordinateur puissant et cher ») et aux serveurs. Le mot Xeon désigne une large gamme de processeurs, de puces totalement inaccessibles au commun des mortels à des processeurs qui sont identiques (ou presque) aux Core i5 et autres Core i7.
Actuellement, Intel propose trois gammes de Xeon : les E3, les E5 et les E7. Passons rapidement sur les E7, rares et onéreux, ils visent essentiellement les serveurs, intègrent énormément de coeurs (jusqu’à dix-huit) et atteignent des prix stratosphériques, avec un prix public de plus de 7 000 $ pour certains modèles. Les Xeon E7 peuvent fonctionner dans des machines avec plusieurs processeurs, jusqu’à quatre ou huit.
Les Xeon E5 sont les versions milieu de gamme, basées généralement sur l’architecture précédente d’Intel. Actuellement, les Xeon E5 v3 sont par exemple basés sur Haswell E. Les architectures E sont celles qui contiennent plus de coeurs (jusqu’à 18) et peuvent fonctionner par paire. Les Mac Pro utilisent des Xeon E5 v2, c’est-à-dire des Ivy Bridge E. La gamme Xeon E5 est très large, avec des puces à quatre coeurs en entrée de gamme, des versions à dix-huit coeurs en haut de gamme. Intel, pour segmenter un peu sa gamme, propose des variantes grand public des Xeon E5, dans une gamme Core i7 : les Core i7 5800 et 5900 sont des Xeon E5 renommés, avec le support de la mémoire ECC et le support du multiprocesseur désactivé. Généralement, les Core i7 ne couvrent pas toute la gamme : Intel limite à huit coeurs actuellement. Dans la gamme Xeon E5, donc, les Xeon sont parfois plus rapides que leurs homologues Core i7.
Venons-en aux Xeon E3, dont le modèle mobile fait partie : il s’agit de processeurs des gammes grand public (Haswell, Broadwell, bientôt Skylake) avec le support de la mémoire ECC. Techniquement, rien ne différencie un Core i7 d’un Xeon E3, ils ne sont pas plus fiables, pas plus rapides… et ne valent pas plus cher à configuration identique.
Quand Intel annonce un Xeon E3 v5, Intel annonce un Core i7 « Sylake » mobile avec le support de la mémoire ECC. Il n’aura pas plus de coeurs (Skylake se limite à quatre), ne sera normalement pas plus cher, ni plus rapide. Son seul intérêt, c’est la mémoire ECC et la marque : Xeon fait vendre.
La mémoire ECC, dans un MacBook Pro, peut éventuellement avoir un intérêt : certaines études montrent que les erreurs dans la mémoire vive arrivent de temps en temps (disons plusieurs par an dans le pire des cas) et la mémoire ECC permet de corriger ces erreurs, qui peuvent mener à un plantage le reste du temps. Son prix ? Mécaniquement, la mémoire ECC vaut 12,5 % plus cher qu’une mémoire classique (9 puces au lieu de 8).
Enfin, l’intégration du Thunderbolt 3 est une mauvaise interprétation. les Xeon E3 sont les mêmes que les Core i7, qui n’intègrent pas le contrôleur Thunderbolt ou USB. Plus concrètement, comme actuellement, Apple va devoir intégrer une puce pour le Thunderbolt 3 (Alpine Ridge) qui va aussi prendre en charge l’USB 3.1 à 10 gigabits/s. C’est possible sur les Xeon E3 v5, mais aussi sur les Core i7.
Reste que comme le fait de mettre des Xeon dans le Mac Pro fait vendre, si Apple en utilisait dans le MacBook Pro, l’effet marketing serait intéressant à analyser. Avant de trouver des gens pour titrer « Si Apple mettait des Core i7 dans ses machines, elles seraient moins onéreuses. », ce qui est — si vous avez suivi — totalement idiot.