Les Blu-ray en x.v.color de Sony

Aujourd’hui, je m’intéresse à une chose : la gestion des couleurs dans les Blu-ray. En effet, Sony a sorti quelques films qui proposent un espace de couleurs étendu, ce qui permet d’obtenir plus de couleurs. Si vous avez déjà fouillé dans les menus de votre téléviseur, vous connaissez peut-être l’option : x.v.color (chez Sony), xvYCC (chez d’autres), Deep Color (parfois), etc.

Je vais essayé d’être clair sur la gestion des couleurs. Notre oeil voit une très grande gamme de couleurs mais les écrans, eux, ont un espace limité. Dans la vidéo en HD, l’espace classique porte le nom de BT.709 (Rec.709). C’est un triangle qui contient des nuances de rouge, vert et bleu et les écrans compatibles (normalement, ils couvrent tous le BT.709) peuvent afficher toutes les teintes de ce triangle. Dans un enregistrement classique (un Blu-ray par exemple), chaque couleur est enregistrée avec une valeur comprise entre 16 et 235 (8 bits). C’est un peu compliqué d’expliquer la logique derrière, mais les valeurs 0 et 255 sont réservées en BT.709 et une partie ne sert donc pas en temps normal. Une formule mathématique permet ensuite de convertir les trois valeurs (8 bits par couleur) en coordonnées dans le triangle BT.709.

Le BT.709

Si vous avez un écran DCI P3 (par exemple un Mac moderne), le triangle est plus grand (donc couvre plus de couleurs) et une autre formule sert à trouver les bonnes coordonnées. Selon votre appareil, les couleurs sont codées sur 8 bits ou 10 bits. Dans un Blu-ray Ultra HD, l’espace est encore plus grand (BT.2020) et les couleurs codées sur 10 ou même 12 bits (Dolby Vision), même si en pratique ils utilisent généralement des couleurs qui ne sortent pas du DCI P3. Les deux modifications permettent deux choses : plus de nuances possibles (en nombre) et plus de nuances possibles (dans l’absolu). En BT.709, on peut afficher 10,5 millions de nuances et si vous faites un dégradé entre le rouge le plus rouge et le rouge le moins rouge, vous obtiendrez 219 teintes. En BT.2020 en 12 bits, on dispose de 68,7 milliards de teintes, 4 096 variantes par couleur primaire et – surtout – un rouge plus rouge. Pour un résultat plus parlant, allez regarder cette image sur un écran classique puis sur un écran DCI P3 : dans le premier cas, l’image est totalement rouge, dans le second, un logo rouge apparaît au milieu. Si vous avez un écran DCI P3, la méhode pour calculer les coordonnées dans l’espace de couleur n’est pas la même que pour le BT.709 (c’est important).

Le BT.2020, très large

Le xvYCC

Maintenant, le xvYCC (x.v.color chez Sony, Deep Color chez d’autres, etc.). Il ne s’agit pas à proprement parler d’un espace de couleur indépendant, mais d’une extension du BT.709. En BT.709, les couleurs possèdent une valeur comprise entre 16 et 235. En xvYCC, elles utilisent une valeur comprise entre 1 et 254. Par contre, la formule pour calculer les coordonnées est la même. En xvYCC, on part de l’espace de couleur BT.709, qui est étendu. Au moment de la conversion RGB vers l’espace de couleur, on peut donc se retrouver avec des coordonnées négatives. Il faut donc que tous les appareils supportent le xvYCC pour que ça fonctionne correctement, sous peine de se retrouver avec un résultat… bizarre. L’intérêt du xvYCC c’est d’obtenir un peu plus de couleurs (~16 millions) et des couleurs plus vives. Pour se donner une idée, et parce que je n’ai pas trouvé de représentation propre du xvYCC, voici le graphique qui montre le DCI P3. Le xvYCC offre pratiquement le même espace (avec un léger décalage).

Le DCI P3, équivalent au xvYCC

Le xvYCC nécessite une liaison HDMI 1.3. Dans les appareils domestiques, ça ne pose pas réellement de soucis : c’est la norme depuis facilement 10 ans. Dans le monde informatique, c’est plus compliqué : certaines vieilles cartes graphiques ne le font pas et si vous utilisez un adaptateur DVI vers HDMI (ou le contraire), ça ne passer pas. La première étape est donc d’activer le xvYCC dans les menus, quand c’est possible. Avec une PlayStation 3, c’est dans les options d’affichage sous le nom Deep Color par exemple. Sur le téléviseur, ça dépend franchement. Sur mon vieux Samsung de 2010, je ne peux activer le xvYCC que dans les options avancées, uniquement en mode Cinéma et seulement si le nom de la source est réglé sur autre chose que PC. Chez moi, c’est un problème : je règle justement le nom de l’entrée sur PC pour éviter l’overscan.

Mon téléviseur propose un réglage xvYCC

Dernier point, le plus important : il faut que le téléviseur supporte réellement le xvYCC. Sur mon vieux Samsung, donc, ce n’est pas franchement gagné. Techniquement, tous les LCD modernes (depuis 10 ans) supportent le xvYCC. Mais c’est assez rare qu’ils soient capables d’afficher correctement les teintes supplémentaires. Dans beaucoup de cas, l’activation va rendre l’image plus terne et c’est tout. La raison est simple (si j’ai bien compris, corrigez-moi si je me trompe) : ils affichent le xvYCC dans l’espace de couleur BT.709 et donc la valeur maximale pour une couleur est décalée. Le maximum en BT.709 (235) est décalé à 254 mais la valeur affichée ne change pas. Avec un téléviseur Ultra HD moderne, normalement, ça passe étant donné que les téléviseurs supportent souvent au moins le DCI P3 et peuvent donc afficher réellement les couleurs en xvYCC.

Les Blu-ray x.v.color de Sony

Explications terminées, passons à la pratique. Vers 2013, Sony a décidé de sortir des Blu-ray « masterisé en 4K » pour essayer de proposer du contenu aux gens qui achetaient des téléviseurs Ultra HD. je vais être clair : les Blu-ray ne sont pas en Ultra HD (ou en 4K). C’est juste un argument marketing, avec éventuellement un meilleur master au départ, mais c’est tout. L’image est en 1080p comme la majorité des Blu-ray. Pour de l’Ultra HD, il faut un Blu-ray Ultra HD et ça date de 2016. Mais les Blu-ray « masterisé en 4K » ont tout de même un truc intéressant : ils contiennent de la vidéo encodée en xvYCC. Visiblement, Sony propose parfois du xvYCC sur d’autres Blu-ray, il faut chercher une indication genre « Redécouvrez la couleur ». j’ai donc réussi à trouver un Blu-ray de ce type bien adapté à ça, Spider-Man 2. Il y a pas mal de grosses nuances de rouges (notamment au début) et donc on devrait voir (un peu) de différences.

Avec mon téléviseur franchement ancien, la différence n’est pas franchement flagrante, mais au moins on évite le côté terne classique du xvYCC quand c’est mal géré. J’ai ensuite testé sur un ordinateur et là, ça devient bizarre. Aucun lecteur ne m’indique clairement que l’image est en xvYCC. J’ai rippé le disque pour comparer sur un point, étant donné que QuickTime gère normalement les espaces de couleurs étendus comme la majorité des logiciels Apple. Alors, j’ai bien une différence de rendu entre VLC et QuickTime, mais je ne suis pas capable de dire s’il s’agit d’un décodage différent ou de la présence du xvYCC.

Une capture à l’affichage montre une petite différence sur les teintes rouges


Même chose ici

Sur un fichier de test, on voit bien une différence au décodage sur les couleurs entre VLC et QuickTime (ou une capture), avec une séparation franche en 3 barres avec QuickTime ou les captures.

La différence est plus claire ici : QuickTime (en bas) affiche mieux les différentes nuances

D’un point de vue pratique, je ne pense pas que mon Mac (ou un PC relié à un écran classique) affiche correctement les images en xvYCC mais par contre un PC relié à un téléviseur compatible avec l’option adéquate cochée dans les pilotes (normalement, AMD et nVidia proposent le nécessaire) devrait afficher les couleurs correctement.

En théorie, un ordinateur avec un écran compatible DCI P3 devrait pouvoir afficher correctement des vidéos encodées en xvYCC : l’espace de couleurs est similaire. En pratique, comme la gestion n’est pas exactement la même, ce n’est a priori pas le cas (si vous avez des infos sur le sujet, ça m’intéresse). Bien évidemment, ça ne fonctionne que si la vidéo a été pensée pour du xvYCC et encodée en conséquence, ce qui reste assez rare en pratique. Dans tous les cas, ça montre surtout que le format Blu-ray peut parfois amener des surprises, même si la différence n’est pas non plus flagrante, même avec un téléviseur adapté.

(note : les trois représentations sont CC BY-SA 3.0, GrandDrake, Wikipedia).