Les S-VHS commerciales, des cassettes vidéo méconnues

J’avais déjà parlé des D-VHS (les VHS numériques) mais une autre technologie m’intéressait : le S-VHS. Les Super VHS. Et à mon grand étonnement, je me suis rendu compte que ces VHS améliorées étaient sorties commercialement avec des films préenregistrés.

Le S-VHS, c’est quoi ? Une évolution de la VHS classique, sortie au milieu des années 80. La S-VHS a donné son nom courant à la prise S-Video, pour une bonne raison : la cassette permettait un gain intéressant avec cette prise, même si en pratique la luminance et la chrominance sont séparées sur les VHS aussi. Maintenant, parlons de la qualité. Dans une VHS classique, la luminance (en simplifiant, l’image en noir et blanc, sans les couleurs) possède une bande passante de ~3,4 MHz, soit environ 240 lignes en NTSC. En S-VHS, la bande passante de la luminance passe à 5,4 MHz, ce qui augmente drastiquement la définition, avec ~420 lignes. Par contre, dans les deux cas, la bande passante dédiée à la couleur (chrominance) est très faible : de l’ordre de 0,4 MHz, soit 30 à 40 lignes au maximum. En clair, les informations de couleurs sont peu nombreuses et les couleurs bavent. Au niveau audio, les cassettes S-VHS travaillent sur le mode Hi-Fi de l’audio, donc de l’analogique de bonne qualité (20 Hz à 20 kHz).

Le logo S-VHS

Dans la pratique, les S-VHS offre une définition améliorée, bien visible sur les détails, mais des couleurs baveuses comme en VHS. C’est assez comparable à un LaserDisc, qui offre à peu près la même définition sur la luminance, mais une meilleure gestion de la chrominance. Par contre, les LaserDisc contiennent un signal composite sur le disque, ce qui pose parfois des soucis.

La compatibilité

La prise en charge des S-VHS dépend de pas mal de choses. La solution idéale passe évidemment par un magnétoscope S-VHS doté d’une sortie S-Video, avec une cassette S-VHS. Techniquement, les magnétoscope classiques ne lisent généralement pas les S-VHS. Certains modèles disposent d’un mode « Quasi S-VHS » qui permet de lire les enregistrements S-VHS, mais en réduisant la qualité. Il existe aussi un mode S-VHS ET, qui permet d’enregistrer du S-VHS sur une cassette VHS, avec quelques limites (et toujours une incompatibilité en lecture par défaut). En pratique, il faut donc un magnétoscope S-VHS pour en profiter. Bonne nouvelle, mon modèle D-VHS japonais le fait.

Le magnétoscope détecte une S-VHS

Les cassettes préenregistrées

Le S-VHS visaient essentiellement les gens qui enregistrent. Les enregistrements depuis une source diffusée en direct (câble, hertzien, satellite, etc.) étaient bien meilleurs, et la recopie d’une cassette à une autre aussi. Mais il y a quand même eu quelques films préenregistrés. Je vais me concentrer sur les Etats-Unis, pour une bonne raison : le S-VHS en PAL est confidentiel et c’est compliqué de trouver des informations sur les sorties japonaises sans parler la langue. Pour notre continent, j’ai trouvé des informations sur la sortie d’une version S-VHS de Point Break en Allemagne… et c’est tout. La cassette était visiblement offerte avec les magnétoscope S-VHS à l’époque.

Point Break, en PAL

Aux Etats-Unis, la société Super Source Video, basée à San Francisco, a commencé à commercialiser des cassettes dès 1988. Il s’agissait de films du domaine public, en noir et blanc – un bon moyen de mettre en avant le gain des S-VHS – et vendus assez cher. Les films en question valaient 5 à 10 $ en VHS classiques, et 20 à 25 $ en S-VHS. On trouve aussi une autre liste de cassettes sur ce vieil article. Visiblement, au début des années nonante, la même société a commencé à proposer des cassettes de films plus connus. On trouve plusieurs listes sur le Net, et même un sujet dans un groupe en 1994 avec un Allemand qui avait essayé d’en récupérer. Dans cet article, on apprend que la société vendait des blockbuster, mais aussi des cassettes de test. On trouve aussi quelques captures de temps en temps.

15 $ pour ces cassettes

Plus largement, les cassettes étaient essentiellement offertes avec les magnétoscopes S-VHS, avec la possibilité pour les acheteurs de s’en procurer ensuite directement à la source. En dehors de la distribution confidentielle, les S-VHS souffraient d’un prix assez élevé : il fallait compter entre 45 et 60 $ au début des années nonante pour une S-VHS (en corrigeant l’inflation, 50 $ en 1993 représentent ~85 $ actuellement) contre environ 15 $ pour une VHS classique (~25 $ actuels). Pour les VHS, je me suis basé sur un livret présent dans une des VHS achetées pour le test. Plutôt hors de prix, donc.

Le test

Pour le test, j’ai trouvé deux S-VHS : Days of Thunder (Jours de tonnerre) et The Hunt for Red October (À la poursuite d’Octobre rouge). Dans les deux cas, j’ai aussi acheté la VHS correspondante. Les deux sont en NTSC (norme américaine). Première similarité, la jaquette est celle de la VHS avec un sticker S-VHS sur l’avant et un second sur l’arrière (avec les infos sur le distributeur). Dans les trucs notables, on peut noter que les VHS contiennent quelques minutes de publicités avant le film, mais pas les S-VHS.

S-VHS


Les deux versions


Deux autres


Le sticker


Le sticker

Sur The Hunt for Red October, les deux copies ne donnent pas exactement la même image. La S-VHS semble décalée vers la droite, avec une image plus nette, mais ce n’est pas extrêmement visible dans les captures. A le lecture, c’est nettement plus flagrant, en réalité. Comme prévu, le gain se remarque sur les textes, mais pas forcément dans les autres scènes, surtout si elles sont sombres comme dans ce film.

S-VHS


VHS


S-VHS


VHS


S-VHS


VHS


S-VHS


VHS


S-VHS


VHS

Sur Days of Thunder, le décalage est beaucoup moins grand, mais l’image de la S-VHS est nettement plus sombre que celle de la VHS. Le gain en qualité se voit essentiellement sur les textes, mais pas tellement le reste du temps. C’est mieux, c’est une évidence, mais la qualité n’est pas non plus transcendante.

S-VHS


VHS


S-VHS


VHS


S-VHS


VHS


S-VHS


VHS


S-VHS


VHS

Les S-VHS n’ont pas eu beaucoup de succès, et ça semble normal avec le recul (oui, c’est facile). Le matériel était assez onéreux, les cassettes aussi, et le gain pas extraordinaire. Les S-VHS se retrouvaient face au LaserDisc qui offrait une qualité au moins équivalente (et meilleure sur certains points) et existait depuis plusieurs années. En 2018, la S-VHS montre très clairement ses limites et n’a logiquement aucun intérêt en dehors de la collection. Rétrospectivement, le principal problème vient en partie des sources : comme les DVD, Blu-ray et autres Blu-ray Ultra HD peuvent souffrir d’un master mal fait, les S-VHS dépendaient fortement de ce qui existait. Les master numériques commençaient à peine à arriver et les transferts se faisaient généralement depuis des sources adaptées à la télévision ou éventuellement aux LaserDisc, avec des contraintes techniques différentes. En tout cas, ça reste intéressant de voir que des sociétés ont tenté l’aventure.