Le Mac Pro 2019 est-il vraiment évolutif ?

Apple a annoncé un nouveau Mac Pro la semaine dernière, qui retourne (un peu) aux sources des Mac Pro, avec un côté évolutif. Mais l’est-il vraiment ?

La question a vraiment de l’importance, en fait. Parce que vu comme ça, ce n’est pas tellement plus évolutif que le Mac Pro 2013. La conception semble très bonne, notamment avec le partage du système de refroidissement, mais ça reste quand même largement fermé.

D’un point de vue matériel, la machine se base sur une plateforme Intel avec une puce T2 et un processeur Intel Xeon W, c’est-à-dire la plateforme la plus onéreuse d’Intel (ou presque). Sur ce point, techniquement, on devrait pouvoir faire évoluer la machine (comme le Mac Pro 2013, d’ailleurs). Pas facilement, sûrement pour très cher (sauf dans 10 ans), mais ça devrait être possible. Je dis devrais parce que dans certains cas, Apple a utilisé des processeurs un peu spécifique. Les Mac Pro 2009 (4,1) ont par exemple des Xeon sans IHS (la plaque de protection) et il faut donc modifier le CPU pour en installer un nouveau.

Pour la RAM, le Mac Pro 2019 a douze emplacement DDR4 ECC et on devrait pouvoir mettre de la DDR4 classique. Rien à dire, c’est accessible, même si certains points dépendent du CPU (c’est une limitation d’Intel). Le Mac Pro 2013 est extensible aussi, mais il a moins d’emplacements.

Douze slots RAM

Le cas du stockage, à mon sens, est nettement plus compliqué. Comme l’iMac Pro, le Mac Pro utilise des modules de mémoire amovibles. Et comme l’iMac Pro, il s’agit vraiment de modules de mémoire, et pas des SSD. Ils ne contiennent que la mémoire, parce que le contrôleur est l’Apple T2. Dans l’absolu, il est possible que des constructeurs tiers proposent de la mémoire dans ce format, mais ça reste peu probable. Et le fonctionnement même du truc empêche la création d’adaptateurs M.2. En dehors des connecteurs propriétaires Apple, il reste donc les emplacements PCI-Express pour installer des cartes avec des SSD M.2, et deux emplacements SATA sur la carte mère. Et vu que le Mac Pro a une puce T2, il ne démarrera pas par défaut sur autre chose que son SSD interne. Actuellement, on peut gérer ça, mais rien ne dit que ça va continuer. Pour le stockage, la machine reste donc assez limitée : c’est du stockage propriétaire, et le reste nécessitera des adaptateurs, sans nécessairement la possibilité de démarrer dessus. Le Mac Pro 2013 avec son SSD propriétaire (mais adaptable en M.2) ne fait pas vraiment mieux, ni vraiment pire.

Deux SATA

Passons aux GPU. Pour moi, en l’état, ce n’est pas évolutif. Premièrement, la nouvelle technologie d’Apple (MPX) est propriétaire, et il ne faut pas rêver : personne ne va proposer des GPU tiers pour une machine de ce prix. Du temps des Mac Pro avec des emplacements standards, pratiquement aucun constructeur n’a franchi le pas, alors que les modifications étaient minimes. Et je doute qu’Apple propose des GPU à la pièce à un prix intéressant. Deuxièmement, de toute façon, l’absence de nVidia rend toute idée de mise à jour de GPU ridicule : le Mac Pro reçoit déjà les meilleurs GPU AMD. Et même si des sociétés proposent des adaptateurs pour récupérer l’énergie sur le MPX, il restera la question du Thunderbolt 3. L’intégration du Thunderbolt 3 dans les cartes (et sur le haut de la tour) amène un côté pratique évident qu’une carte graphique classique n’aura pas. C’est tout de même beaucoup mieux que les AMD totalement propriétaires du Mac Pro 2013, mais pas vraiment non plus le paradis. Apple a tout de même prévu deux connecteurs PCI-Express 8 broches. Ca permet de brancher un second GPU classique (genre Radeon VII) sans problèmes, en plus de la carte graphique d’origine en MPX. On perd évidemment le Thunderbolt, mais ça devrait marcher.

Parlons du Thunderbolt 3, d’ailleurs. En plus de l’intégration interne, la machine dispose d’un connecteur PCI-Express 4x dédié à une carte d’extension. Si on peut imaginer une carte d’extension USB 4 à terme, n’espérez pas du Thunderbolt 4, l’emplacement PCI-Express est trop limité.

Enfin, il reste les cartes PCI-Express. De fait, le Mac Pro dispose de plusieurs emplacements (un 16x, deux 8x) qui peuvent donc accepter pas mal de types de cartes. C’est une option intéressante pour mettre autre chose qu’un GPU, de la carte accélératrice d’Apple à des cartes d’extension plus classiques. C’est un pas en avant intéressant par rapport au Mac Pro 2013 évidemment, et ça semble plus souple sur les débits que les anciens modèles. Dans l’absolu, on peut imaginer installer des SSD M.2 par exemple.

Les emplacements PCI-Express et MPX

Je me trompe peut-être sur certains points, mais le Mac Pro n’est donc pas si ouvert. La partie graphique et le stockage dépendent encore largement de technologies propriétaires, avec des limites fortes pour le matériel standard. Après, je ne suis pas certain que ce soit un réel problème pour la cible. Pour un prosumer qui attendait une machine à 2 000 ou 3 000 $ avec du matériel totalement standard (et des cartes nVidia), le Mac Pro doit être une déception. Pour les professionnels de l’image, pas tellement. Une fois qu’il est possible de mettre à jour la RAM et d’installer la coûteuse carte accélératrice qui va avec la caméra (par exemple), le tarif n’est pas nécessairement un problème et les autres possibilités d’évolution sans réel intérêt.

La dernière question que je me pose vient plus de la pérennité du Mac Pro. Avec les rumeurs de plus en plus nombreuses sur l’avenir de macOS et le portage ARM, je me dis que le Mac Pro 2019 ressemble sacrément au Power Mac G5 Quad de 2005 : une machine extrêmement puissante (et onéreuse) pour son époque, sortie un peu avant la transition (octobre 2005, quelques mois avant les premiers Mac Intel) et abandonnée finalement assez rapidement. En août 2006, Apple lançait le Mac Pro, et en août 2009 (moins de 4 ans après son lancement), le G5 Quad ne pouvait plus accepter la dernière version de Mac OS X.

Reste que le Mac Pro 2019, en dehors de son prix (et de sa cible) reste une bonne surprise au niveau technique. Il semble moins fermé que le Mac Pro 2013 et les choix permettent de répondre aux attentes des professionnels, à défaut de répondre à celles des geeks comme nous. Reste à vérifier la fiabilité dans le temps, ce qui semble être en partie le point faible du Mac Pro de 2013.