GeoPort, le connecteur méconnu d’Apple

Connaissez-vous le GeoPort ? Ce connecteur Apple apparu avec les Macintosh AV en 1993 est parfois un peu mystérieux, mais il permet des choses intéressantes.

Mais le GeoPort, c’est quoi ? Un port série modifié, de façon assez basique. Le premier changement est la présence d’une neuvième broche (contre huit en temps normal) qui fournit de l’énergie. Elle permet de tirer 5 V (350 mA), de quoi alimenter un modem par exemple. La seconde, c’est la possibilité d’accélérer le port série, avec une horloge plus rapide (notamment). C’est un peu la même logique que pour le LocalTalk : en fournissant une horloge plus rapide, on peut accélérer les transferts. Typiquement, le série classique est limité à 230 kb/s (et nettement moins sur certains Mac) quand le GeoPort permet d’atteindre 2 Mb/s environ.

Les différences

L’usage le plus courant du GeoPort (ce n’est pas le seul) va être le GeoPort Telecom Adapter. C’est un accessoire intéressant, parce que s’il ressemble à un modem classique, il ne s’agit que d’une interface physique qui va adapter le signal pour atteindre les valeurs attendues sur une ligne téléphonique (en gros un ADC et un DAC). Un modem classique contient de l’électronique pour gérer la liaison série et les différentes fonctions, alors qu’un adaptateur GeoPort ne contient rien de tout ça. En fait, tout le nécessaire est géré par le Mac, à travers le GeoPort. Dans l’idée, si vous connaissez le principe, c’est un SoftModem (ou WinModem), donc une interface simplifiée. Dans le cas des PC, la raison d’être était principalement de réduire les coûts. Dans les Mac, pas totalement : l’adaptateur en question a pu évoluer et proposer plus de fonctions qu’un modem classique. Parce qu’évidemment, en laissant toute la partie logique au Mac, une simple mise à jour du programme permettait d’ajouter des fonctions. Typiquement, l’adaptateur en question fonctionnait à 9 600 bauds au lancement et les dernières mise à jour permettaient d’atteindre 33 600 bauds (en théorie, vu les retours de l’époque, ce n’était pas le modèle le plus performant). Plus exactement, Apple a effectué deux mises à jour : une en octobre 1996 (Apple Telecom 3), une seconde plus tard (je n’ai pas trouvé la date) avec Apple Telecom 3.1.1. La première a amené la prise en charge du V.34 (28 800 b/s) pour les Power Mac (mais pas les Mac AV), la seconde ajoute le V.34bis (33 600 b/s).

Un adaptateur GeoPort

Le principal défaut de ce choix, c’est la dépendance au Mac. Les premiers Mac équipés sont les deux modèles AV (840 et 660), et ce n’est pas un hasard : les traitements reposent sur le DSP, nettement plus efficace que le 68040 pour cet usage. Par la suite, Apple va intégrer la fonction dans les PowerPC en se reposant entièrement sur le CPU. Les retours de l’époque montrent que c’est un souci : ça prend un peu de RAM (600 ko, ce qui semble peu actuellement, mais les Power Mac arrivaient avec 8 Mo…) et pas mal de CPU. Sur les Power Mac 6100 dotés d’un 601 à 60 MHz, c’était a priori très visible.

Il faut noter que si l’incarnation principale du GeoPort est la prise Mini DIN 9, le CommSlot de certains Mac prend en charge le nécessaire pour un modem GeoPort interne, donc avec la logique déportée sur le CPU.

Une version interne

Sur cette page, on note que la latence est très faible, le ping est amélioré parce que le modem n’est pas un vrai modem. Enfin, cette page montre que si techniquement on peut faire du 28 800 b/s, on reste un peu en-dessous. Il y a aussi une petite comparaison sur la puissance utilisée par le modem (mais j’en parle dans la suite).

L’Express Modem

En réalité, le GeoPort n’est pas le premier essai de déporter la logique sur le CPU. Un peu avant, Apple avait proposé l’Express Modem pour les PowerBook, essentiellement pour arriver à intégrer le modem en le miniaturisant. Dans les PowerBook, le résultat était assez moyen : le pseudo-modem utilisait de la RAM et les CPU – des 68000 ou 68030 – étaient un peu légers pour ça.

Un Express Modem externe


Quelques infos

Les autres périphériques

Le GeoPort a finalement été utilisé assez peu. Chez Apple, on peut noter les premiers QuickTake (100 et 150) : ils transfèrent en GeoPort qui est plus rapide que le RS-232 des PC (notamment). Je l’avais noté à l’époque, mais comme je récupère les photos avec une machine virtuelle sous Windows XP (c’est plus simple en pratique), ça ne sert pas tellement. Il existe surtout aussi quelques appareils qui utilisent la prise GeoPort, mais en mode classique. L’intérêt ? Alimenter le modem. C’est le cas sur le Global Village avec le Gold II par exemple. Techniquement, c’est un vrai modem, mais il utilise la neuvième broche pour son alimentation. En pratique, il est possible de le modifier pour l’alimenter en externe. Dans les autres produits, on trouve aussi un modem ISDN de chez Sagem, qui permet d’utiliser la norme (appelée RNIS en France) à son maximum : 128 kb/s.

Enfin, il y a les modems de la Pippin. Je ne sais pas vraiment s’ils sont GeoPort ou s’ils utilisent un vrai modem avec une alimentation sur la neuvième broche, j’avoue. Disons que comme il existe deux versions (14 400 et 33 600 bauds), je suppose qu’il s’agit de vrais modems.

Un modem de Pippin (14 400)

Testons le pod

Il y a plusieurs références de GeoPort Telecom Adapter mais ils sont (presque) identiques techniquement a priori. Ce qui change, c’est essentiellement le logiciel livré avec. Plus exactement : le M1694LL/A (première génération) a été proposé avec les Mac AV et pose des soucis avec certaines lignes. Et il ne fonctionne (selon la documentation) qu’aux Etats-Unis. Le M1694LL/B est utilisable hors des USA et a été corrigé au niveau matériel. Enfin, le M3127LL/A est identique au précédent mais a été livré avec une partie logicielle compatible avec les Power Mac. Il existe aussi le M2117LL/A (le mien, probablement le même mais livré avec la version compatible 28 800 du logiciel) et le M5438LL/A (idem, mais 33 600).

Toutes les certifications

Pour les premiers essais, j’ai pris un PowerBook 3400c, un modèle raisonnablement puissant pour l’époque : il est équipé d’un PowerPC 603ev à 180 MHz. Il a deux fois plus de mémoire cache (niveau 1) que le 603 d’origine, et un cache L2 de 256 ko. Il était sous Mac OS 8.0, et j’ai installé Apple Telecom 3.1.3 et les mises à jour GeoPort nécessaires pour atteindre 33 600 b/s. En face, j’ai utilisé un Raspberry Pi sous DreamPi, c’est un OS qui permet d’émuler un serveur RTC avec un modem analogique. C’est un cas extrêmement favorable pour mesurer les performances : il y a en gros deux mètres de câbles entre le Mac et le serveur. Et dans ce cas, j’ai téléchargé à environ 4 ko/s (soit à peu près 32 000 b/s), pratiquement le maximum du V.34b. Sur le coup, le modem fonctionne, rien à dire.


Par contre, les performances, c’est autre chose. Avec MacBench, le PowerBook offre de base pratiquement trois fois les performances d’un Power Mac 6100, équipé d’un PowerPC 601 à 60 MHz. Compte tenu du fait que le 603 est un peu plus simple que le 601 (et possède moins de transistors), c’est plutôt positif. Une fois le modem activé et connecté (et c’est tout, sans transferts), c’est une autre paire de manche : on divise en gros la puissance de calcul par deux. C’est très sensible à l’usage dans les menus, dans Mac OS. Avec MacBench, on passe de 287 % du Power Mac 6100 à 137 %. Et si jamais on transfère des données (ici, j’ai juste chargé une image JPEG), c’est encore pire (111 %). Je n’ai pas testé sur le Power Mac en question pour des raisons pratiques (notamment de longueurs de câbles…), mais du coup on doit se retrouver très nettement un 68040 par exemple. De ce que j’ai vu (et des réponses données par certains), c’est plus efficace avec un 604 ou (je suppose) un G3, deux CPU nettement plus performants.


La perte de performances est importante

C’est tout le problème de ce type de modem : si les fonctions sont intéressantes, les performances ne suivent pas réellement ce qu’on gagne d’un côté est perdu de l’autre parce que tout est lent.

Apple Phone

Un des trucs sympas du GeoPort et du modem associé, c’est Apple Phone. L’idée, c’est de proposer un téléphone virtuel avec des fonctions avancées. On a donc la possibilité de téléphoner directement depuis le Mac, de faxer (en envoi et en réception) et même de gérer un répondeur. Sur le coup, le Visual Voice Mail de l’iPhone existait déjà chez Apple depuis des années. J’ai branché l’appareil sur ma ligne VoIP et ça fonctionne : le Mac sonne (avec un bruit de vieux téléphone), le répondeur prend bien les messages, on peut appeler, etc. La qualité n’est vraiment pas extraordinaire, mais c’est probablement parce qu’on est habitué à avoir la voix en HD depuis un moment dans la téléphonie. Je n’ai pas testé les fax, par contre : ça passe assez mal en VoIP. L’appareil est normalement capable d’afficher le numéro de l’appelant (un truc qui demande en temps normal des modems spécifiques) mais ça n’a pas fonctionné ici. Mais je soupçonne quand même un réglage lié à mon boîtier VoIP, les normes ne sont pas identiques en Europe et aux Etats-Unis. Et pour les amateurs, on peut visiblement tout gérer en AppleScript, réveiller l’ordinateur, etc. Sur le coup, c’était assez moderne et vraiment lié au fonctionnement essentiellement logiciel du GeoPort.

Le clavier


Le Visual Voice Mail


Les fax


Faut-il vraiment une conclusion ? Oui, peut-être. Le GeoPort était une idée intéressante, avec pas mal d’avantages mais aussi des inconvénients. Je pense que si les Mac avaient tous intégrés un DSP, ça aurait pu devenir un truc incontournable, mais l’histoire n’est pas allée dans cette voie. Dans la réalité, le GeoPort est surtout un truc un peu obscure, un peu bizarre et mis dans un coin. Parce qu’il faut bien se dire que dès la fin des années nonante, Apple a arrêté de proposer des modems en GeoPort pour revenir sur des modèles standards avant d’abandonner le modem (comme tout le monde) quelques années plus tard (en gros avec l’arrivé des Mac Intel).