Hacker une D-VHS comme en 2002

Je suis le premier média qui a permis de proposer de la HD au grand public. Je suis le premier média qui a proposé une copie de Terminator en Full HD. Je suis protégé avec un DRM relou. Je suis… je suis…

Si vous avez répondu HD DVD ou Blu-ray, vous avez perdu. Je vais parler des D-VHS (bon, c’est dans le titre) et plus exactement des D-Theater, préenregistrées. Bon, je résume rapidement, mais il y a un sujet plus complet ici. Une D-VHS, donc, stocke de la vidéo en haute définition (720p ou 1080i) sur une cassette VHS. Pas exactement la même que celle des années septante, mais presque : le format physique est le même. Et en 2002, une version préenregistrée avec des films en HD sort, sous le nom D-Theater. Une D-Theater nécessite un lecteur spécifique (compatible avec les DRM), et propose de la vidéo en HD (1080i dans tous les cas) en MPEG2, avec un assez gros débit (de l’ordre de ~26 Mb/s constant). Les cassettes contiennent aussi de l’audio en 5.1 (en plus du PCM), notamment. Le format n’a pas été un gros succès, et il y a assez peu de films sortis (166 selon cette liste, mais elle contient pas mal de trucs de démo). Les D-Theater offrent malgré tout une bonne qualité pour la vidéo (surtout pour un format qui a presque 20 ans) et les versions D-Theater sont parfois recherchées parce que les master ne sont pas les mêmes qu’en Blu-ray, avec généralement moins de corrections et une image plus proche de la pellicule. Et parfois, certains films n’existent qu’en D-Theater en HD (comme True Lies).

Deux D-Theater

Les D-Theater ont deux protections. La première, c’est un codage pour la région, et la majorité des films est en Région 1 (USA), sauf a priori un seul, qui est 1/2/3. C’est important dans mon cas : j’ai un lecteur japonais (c’est vraiment plus simple à trouver qu’un américain) qui n’accepte pas les cassettes en Région 1 (et je n’ai pas trouvé de solution). La seconde, c’est le DTCP, un chiffrement qui empêche la lecture sur un appareil incompatible et (surtout) la copie en numérique.

Hacker le DRM

Le DRM est normalement assez solide, et il y a peu d’information sur la possibilité de passer outre. Mais comme on trouve en cherchant un peu des copies des films qui proviennent manifestement directement de la cassette (gros fichiers encodés en MPEG2 avec le débit attendu), je me suis dit il y a longtemps que c’était possible. En cherchant dans les tréfonds du Net, j’avais trouvé qu’il était possible de récupérer le flux sans protections en passant par un Samsung SIR-T165, qui est un décodeur HD. Je m’explique : pendant un temps, au début des années 2000, la liaison entre les appareils pour la HD s’effectuait en FireWire. Les décodeurs des opérateurs US avaient une prise FireWire et le flux était transmis en numérique, directement au téléviseur (oui, il y a des téléviseur avec une entrée FireWire) ou à un enregistreur D-VHS. De même, on pouvait transférer les flux (sans protections) vers un Mac, par exemple. Le T165 est donc un appareil qui intègre un tuner numérique mais aussi des prises FireWire, et qui accepte le DRM des D-Theater. L’appareil a une sortie DVI, peut contrôler directement un deck D-VHS, etc. Après de longues années de recherches (littéralement), j’en trouve un à un prix correct et… ça ne fonctionne pas. Il ne casse pas le DRM. Après d’autres recherches, je comprends : il faut en fait le modifier pour installer une carte qui va permettre d’obtenir le flux sans compression.

Le deck



Le T165


Le deck


Le T165 (moddé)

Là, je tombe sur une vieille page (pas mise à jour depuis 2009) qui explique comment ça fonctionne. Je contacte tout de même la personne (parce que pourquoi pas) et j’ai une réponse. Mieux, comme la carte n’a plus réellement d’intérêt depuis un moment, il me propose de l’envoyer gracieusement (contre les frais de port) depuis le Japon (oui, mon bilan carbone est déplorable). En voyant la carte en photo, j’espérais m’en tirer (il faut souder le tout) mais une fois reçue, impossible : c’était largement au-delà de mon skill. Heureusement, Gilles a pu m’aider. Et elle fait quoi cette carte ? Elle permet d’intercepter le flux dans le décodeur, sans la protection. Elle est reliée à divers composants du décodeur et proposer une prise USB. Avec un pilote (sous Windows) et un petit logiciel, il est donc possible de dumper le contenu d’une cassette.

La carte


Shot with DXO ONE Camera


La prise USB ajoutée

Côté pratique, il faut donc un deck D-VHS compatible D-Theater (check), un Samsung T165 modifié (check) et un vieux Windows. Pourquoi vieux ? Parce que le pilote n’est pas signé et que Windows 10 est relou avec ça (même si ce n’est pas impossible). J’ai utilisé une machine virtuelle sous Windows 7 pour ça, après avoir eu quelques problèmes avec une sous Windows XP (un processus plantait l’enregistrement périodiquement). Il faut prévoir un peu de place, aussi : le débit est de ~26 Mb/s (3,25 Mo/s environ) donc c’est assez large. Ma seule DTheater lisible (One from the Heart de Coppola) dure 107 minutes et le fichier fait pas loin de 19 Go.

Un pilote pas signé


Le programme de dump

D’un point de vue technique, j’ai eu quelques soucis au début, avec d’un coup un débit qui passait à 0, des erreurs, etc. Mais en m’approchant de l’appareil, j’ai compris : il surchauffait clairement. Le Samsung SIR-T165 était clairement vraiment très chaud (probablement parce qu’il récupérait le flux, le décodait, etc.) et plantait. J’ai donc bricolé un refroidissement basique (un simple ventilateur de PC alimenté en externe) et j’ai pu enregistrer toute la cassette.

Oui, c’est un peu le bordel

En pratique, j’ai une liste de fichiers TS (j’ai enregistré en plusieurs fois) avec (donc) une image en 1080i (~4:3 avec des bandes noires) à 22,9 Mb/s (constant) en MPEG2, deux pistes audio (AC3 5.1 à 576 kb/s, MP2 à 320 kb/s) et des sous-titres. La qualité est bonne pour un film du début des années 80, surtout pour un master HD qui date du début des années 2000. Au passage (parce que je me suis posé la question), le ratio est le bon : le film a été tourné en 1:37:1 à l’époque. Point intéressant, le master est a priori le même que pour le Blu-ray (de 2012) qui – lui – a eu une mauvaise note. On voit quand même franchement les défauts de la pellicule dans certains cas, mais compte tenu de l’époque, c’est OK.

La capture du Blu-ray (d’un site)


La mienne




Une image recadrée


J’ai un seul film à montrer, et pour une bonne raison, donc : mon enregistreur D-VHS ne lit pas les films D-Theater en Région 1. Je n’ai donc pas pu dumper ma copie d’Alien : l’appareil affiche un message d’erreur et ne lit même pas la cassette. Mais si un jour je trouve un modèle américain, je tenterais (mais c’est vraiment très cher).