Le NICAM. Si vous êtes assez vieux pour avoir connu la télévision analogique, vous vous souvenez peut-être de ce terme. En France, le NICAM a permis la réception en stéréo dès 1994, avec une qualité CD (ce qui est assez optimiste).
Le NICAM (Near Instantaneous Companded Audio Multiplex) est une technologie qui permet d’envoyer de l’audio en numérique à un récepteur, pour offrir une qualité nettement meilleure que l’analogique de l’époque (en mono). Le terme qualité CD est assez optimiste en NICAM, donc : le CD travaille avec une fréquence d’échantillonnage de 44,1 kHz et encode sur 16 bits, le NICAM se contente de 32 kHz et 14 bits, avec une compression sur 10 bits (et une perte de dynamique dans certains cas). La compression induit une perte, mais légère et normalement inaudible. Le débit binaire total est de 728 kb/s (c’est parfois le nom utilisé pour la norme, NICAM 728) mais la partie utile pour l’audio est de 704 kb/s. Le reste sert à la signalisation ou à envoyer des données. En clair, c’est nettement mieux que le mono classique, mais ça reste en deçà du CD. Cette page donne pas mal de détails techniques sur le fonctionnement du NICAM. Et si vous cherchez un peu, le numéro de mai 1992 d’Elektor explique le fonctionnement en détail avec les instructions pour se fabriquer un décodeur.
Du point de vue pratique, le NICAM est toujours accompagné de la partie audio classique, tant pour les appareils incompatibles que comme solution de repli. En SECAM (en France), le flux numérique réduit la bande passante de l’image, mais le gain en qualité audio compense (enfin, je suppose). Le signal NICAM n’est pas fixe, avec quatre choix possible : du stéréo (le plus courant), du double mono (par exemple pour proposer deux langues), du mono plus un canal de données (352 kb/s) ou bien un unique canal de données (704 kb/s). L’idée était de proposer la diffusion de données en broadcast, pour des usages professionnels ou (je suppose) une sorte de télétexte amélioré. Je ne sais pas du tout si ça a été réellement utilisé.
Enfin, ça va être important pour la suite, le NICAM a été conçu au Royaume-Uni pour du PAL I et a été adapté aux PAL B et G ainsi qu’au SECAM L (France). Pour résumer, donc, on a une norme qui permet une qualité audio nettement améliorée, en numérique.
Recevoir et émettre du NICAM
La solution de base, dans les années 80 et 90, était évidemment d’avoir un téléviseur capable de décoder le NICAM. Spoiler, d’ailleurs, c’est encore le cas des gammes 2021 de certains fabricants. La seconde solution était de passer par un magnétoscope, certains avaient le décodeur. Enfin, il existe des décodeurs externes. Dans mon cas, j’ai les trois exemples. Le premier, c’est mon téléviseur, un Samsung de 2021. Le tuner analogique fonctionne en PAL B sans soucis, et reçoit bien le NICAM, on peut même le sortir en numérique (il est probablement rééchantilloné en 44,1 kHz ou en 48 kHz). Ensuite, mon magnétoscope. C’est un modèle JVC compatible S-VHS, mais il a un petit défaut : il ne reçoit que du SECAM. Enfin, j’ai aussi un décodeur NICAM, un Philips PRN 500. C’est un appareil assez bizarre : il a une prise antenne, mais dépend en partie du téléviseur pour la réception, à travers sa prise Péritel. Et il a le même défaut que le magnétoscope : il ne fonctionne qu’en norme L (SECAM).
J’ai aussi tenté avec un autre magnétoscope (PAL) mais il n’est pas compatible NICAM, par contre il gère la stéréo analogique (A2), j’en reparlerais. Enfin, il y a EyeTV. J’ai d’bord sorti un boîtier EyeTV Hybrid, mais le NICAM ne semble pas être de la partie, tout comme avec un vieux tuner Terratec. Petite astuce si vous devez régler un logiciel : cette page liste les normes utilisées pays par pays. C’est important : beaucoup de logiciels ne permettent pas de choisir la norme mais se basent sur le choix du pays. Mais en (re)testant avec un second tuner EyeTV Hybrid, ça a fonctionné. En fait, j’ai deux versions : un modèle US (prise F, tuner ATSC) qui ne prend pas en charge le NICAM (ni l’A2) et un autre, un modèle européen (2008), qui prend en charge les deux (et la radio FM d’ailleurs). Vu qu’EyeTV n’indique pas le type d’audio, et que tous les retours sur le Net indiquent que ça ne fonctionnent pas, c’est un peu compliqué de vérifier si c’est vraiment de la partie.
Vous vous posez peut-être une question : comment émettre ? Avec HackTV. Ce programme peut émettre dans pas mal de normes (PAL, SECAM, NTSC et bien d’autres) et prend en charge le NICAM. Il gère aussi pas mal de solutions pour l’émission, mais j’ai utilisé un HackRF (version chinoisium achetée sur Aliexpress) que j’avais déjà présenté quand j’ai émis en 1Seg. Le but n’est pas de faire un tutorial pour HackTV, surtout que le logiciel est finalement assez simple d’utilisation : il suffit de donner quelques paramètres (fréquence, norme) et un fichier vidéo. Et cette page l’explique bien, le NICAM est activé par défaut pour les normes PAL I, B et G.
Pour tester, j’ai fait un truc un peu bizarre : une vidéo dans laquelle j’ai remplacé la bande son. Sur le canal de gauche, j’ai mis un titre. Sur le canal de droite, une autre chanson. C’est assez efficace pour voir si on a de la stéréo du coup. En mono et en stéréo, à l’écoute, on a les deux morceaux en même temps. Ensuite, pleins d’appareils permettent de passer sur le canal droite ou gauche quand on reçoit du stéréo : ça permet d’isoler les pistes. Enfin, on peut vérifier en enregistrant si c’est bien séparé. J’ai aussi tenté sur le téléviseur, qui affiche bien qu’il y a du NICAM stéréo.
Le résultat ? Quatre exemples. Le premier, c’est sur le tuner US, qui ne reçoit que le mono de base. Techniquement, c’est évidemment du stéréo à l’enregistrement : deux canaux identiques. C’est très étriqués, et pas très bon qualitativement. Et question fréquence et dynamique, ce n’est pas ouf. Attention, il y a deux extraits mélangés.
Le second, c’est sur le tuner compatible, mais en forçant le mono avec HackTV, donc sans NICAM ou A2. Idem, c’est étriqué, limité en fréquence.
Ensuite, j’ai forcé le mode A2 (stéréo analogique). On a une bonne séparation en sortie, mais la qualité reste assez perfectible.
En stéréo.
Les deux canaux séparés.
Enfin, du NICAM en stéréo. La qualité est (un peu) meilleure, sans que ce soit vraiment flagrant, mais on a une bonne séparation entre les canaux.
En stéréo.
Les deux canaux séparés.
Pour se donner une idée, les Allemands avaient du A2 depuis un moment quand le NICAM est sorti, et la différence par rapport à du NICAM n’est pas non plus énorme. Par contre, pour les Français, l’arrivée du NICAM en 1994 était plutôt intéressante, surtout vu le mauvais mono en face. Mais bon, en 2021, le NICAM n’existe pratiquement plus : l’analogique a été coupé dans la majorité des pays européens et le numérique remplace le NICAM efficacement.
Bonjour,
Merci pour cet article très instructif (comme toujours !).
D’après mes souvenirs, le déploiement du NICAM en France à partir de 1994-1995 a mis énormément de temps et pas forcément de manière homogène, que en premier les sites principaux et puissants par TDF – Télédiffusion De France (Tour Eiffel / Pic du Midi / Mont Pilat etc.), et que sur les 2 premières chaînes (TF1 et France 2).
Il y avait à l’époque une page dédiée sur le Télétexte de France2 expliquant le NICAM en quelques lignes, et un planning de déploiement des émetteurs. Vu que l’information était difficilement accessible, pas pu suivre la suite du déploiement après 1996.
Peut-être que le magazine Haut Parleur l’a évoqué, mais seul TDF sait quels émetteurs ont été équipés en NICAM dixit leurs rapports écrits (pas forcément accessibles sinon détruits) et à partir de quand ils ont cessé de le déployer, en vue de l’apparition de la TNT vers 2005-2006.
Sur France 3, pas de NICAM au départ, possible qu’il a été mis en service ultérieurement, mais alors de manière très confidentielle, sans oublier les émetteurs régionaux de France3 pas forcément équipés.
Sur Canal+, pas de NICAM sur le hertzien (dommage et jamais vraiment compris pourquoi ils n’ont pas pu intégrer une porteuse en stéréo)
La Cinquième puis France 5 / ARTE, même cas de figure pour France3, et comme je dépendais d’un réemetteur local pour la 5 et 6 (comme beaucoup de villes), jamais pu le constater. Idem pour M6.
Certaines villes et régions couvertes par des émetteurs secondaires ou réémetteurs locaux n’ont jamais eu le NICAM pour des raisons de coûts, jusqu’à l’arrêt définitif de l’analogique en 2011.
Recevant les chaînes suisses (TSR / SF DRS / TSI) en hertzien, la stéréophonie (A2 – Zweiton) et bi-canal a été mise en service qu’à partir de 1988-1989 sur les émetteurs proches de la frontière, dixit des articles d’époque de la presse locale helvétique (Arc Jurassien).
Le magnétoscope (celui de mes parents), un Loewe OC-975 (châssis Hitachi) de 1992, 4 têtes Hi-Fi (4 têtes pour la vidéo – 2 pour le son), gérait uniquement la stéréo A2 en PAL en enregistrement/lecture, pas le NICAM. Aucun problème évidemment pour lire les pistes linéaires HiFi sur les VHS pré-enregistrées du commerce.
Ce fut qu’à partir de 1995 qu’on pouvait trouver dans le commerce quelques magnétoscopes 4 têtes Hi-Fi compatibles NICAM Stéréo, les autres enregistreurs entrée de gamme n’avaient que 2 têtes et son monophonique.
A ce moment là, j’avais qu’une télé de marque Nokia (châssis Océanic)*, une des rares TV de 36cm qui était compatible à la fois NICAM pour les chaînes en Secam, et A2 pour les chaines en PAL. Ça marchait très bien (à condition d’avoir une réception nickel) et la qualité sonore était top pour l’époque.
* Cette télé disposait de deux oreillettes latérales en plastique, qui reflétaient le son en direction du téléspectateur, procédé très astucieux !
Les industriels ont par la suite proposé des téléviseurs aux diagonales supérieures à 36cm compatibles NICAM, mais pas mal de téléspectateurs selon les régions et villes n’ont pas pu vraiment profiter de la stéréo suite aux raisons évoquées plus haut, sans forcément s’en rendre compte….
A+