Connaissez-vous les SD-Audio ? Probablement pas, car ces cartes SD protégées par des DRM ne sont jamais réellement sorties du Japon.
Si vous connaissez un peu les cartes SD, vous savez peut-être que le logo vient d’un format de disques abandonné, mais aussi que le S signifie Secure. En effet, une des différences entre les cartes SD et les MMC va venir de l’épaisseur (pas toujours)… mais aussi de la protection des données. Pour simplifier, les cartes utilisent le DRM « CPRM » pour stocker l’audio sur une carte SD. La norme est intégrée dans les cartes directement, et il existe des cartes incompatibles (comme l’explique la SD Association). Il y a quelques informations dans la FAQ de la SD Association, mais l’idée va être de chiffrer les données sur la carte SD, pour empêcher la copie et limiter les transferts de données (notamment sur le nombre de copies).
La page Wikipedia japonaise l’explique, et je lie la japonaise pour une bonne raison : le SD-Audio n’a pas été utilisé à ma connaissance en dehors de ce pays. Il faut bien dire que c’est assez frustrant à l’usage : le SD-Audio chiffre les données, ce qui implique pas mal de choses. Premièrement, il faut passer par un logiciel spécifique, SD-Jukebox est le plus courant, et il pourrait presque faire passer iTunes, Sonic Stage ou OpenMG pour des trucs ergonomiques. Deuxièmement, les lecteurs (physiques) SD-Audio n’acceptent généralement que les fichiers chiffrés. Il y a une liste sur Wikipedia, mais elle est assez mince : quelques baladeurs Panasonic, JVC et Toshiba, des appareils de chez Panasonic (téléviseurs, lecteurs Blu-ray, autoradio, etc.) et pas mal de téléphones japonais du début des années 2000. On parle ici d’une époque ou les téléphones japonais étaient très différents des smartphones actuels, mais aussi très différents des téléphones européens et américains. On trouve aussi parfois du SD-Audio dans des appareils OneSeg (la TV mobile japonaise) et dans des choses plus exotiques comme certaines platines vinyles Technics. Ensuite, il faut une carte compatible CPRM, mais ce n’est normalement pas un souci : toutes les cartes sorties avant 2018 le sont obligatoirement (ou, plus simplement, toutes les cartes de 2 Go et moins). Enfin, le point qui m’a le plus bloqué, il faut un lecteur de cartes SD compatible.
Franchement, c’est vraiment la partie tendue. La page Wikipedia, encore une fois, en liste plusieurs, qui proviennent de chez Panasonic en grande partie, avec en plus un modèle Buffalo (DH-OP-SDCR) et un modèle I-O Data (USB2-SDMV). Sur le papier, ça semble simple : il suffit de trouver un des lecteurs compatibles. En pratique, ça ne l’est pas : ils ne sont pas réellement UMS (c’est-à-dire utilisables sans pilotes). Ou – plus exactement – la partie liée aux DRM nécessite un pilote. Forcément, vous êtes en train de vous dire que je suis un bras cassé, que ça se télécharge un pilote. Malheureusement… non. Premièrement, Panasonic ne distribue plus les pilotes depuis 2018 (aucune idée de la raison). Deuxièmement, même quand ils étaient disponibles, les pilotes demandaient une authentification : il fallait entrer le numéro de série du lecteur pour accéder aux téléchargements, ce qui a rendu le passage par archive.org impossible. Pour tout dire, j’ai trois lecteurs : un arrivé avec le baladeur (sans pilotes), un arrivé seul (sans le disque de pilotes, donc) et un troisième, arrivé – lui – avec le CD contenant les pilotes. J’ai archivé le tout si quelqu’un en a besoin, du coup.
Le dernier point a été SD-Jukebox. Le programme n’est pas spécialement rare, mais si vous voulez un peu comprendre comment ça fonctionne, je vous conseille d’aller chercher la version 2.4 « E » (en anglais). Il y a aussi quelques autres programmes et versions ici.
Un petit essai
Pour essayer, j’ai trouvé un baladeur Panasonic, le SV-SD70. C’est assez compact pour le début des années 2000, et il fonctionne avec une simple pile AAA et une carte SD, donc. Il ne se relie pas directement à un PC en USB et n’accepte pas les fichiers MP3 standards (ce serait trop simple) : le passage en SD-Audio est obligatoire. Après avoir installé les pilotes, j’ai testé avec mes trois lecteurs : ça fonctionne avec un modèle USB 2.0 (BN-SDCLP3) et un USB 3.0 (BN-SDCMP3) mais pas avec le BN-SDCAAD, qui a peut-être besoin d’un autre pilote. Dans les trois cas, la carte SD est lisible, mais avec le lecteur « incompatible », SD-Jukebox donne une erreur. Bien évidemment, il faut Windows (et plutôt une ancienne version) et pas un Mac.
Dans SD-Jukebox, donc, on peut importer des données depuis un CD ou depuis des fichiers existants. Visiblement, il encode en AAC (protégé) depuis un CD ou du WAV, mais peut aussi gérer le MP3 protégé, ainsi que le WMA protégé. Une fois les fichiers encodés, on peut les transférer trois fois (si j’ai bien compris) vers une carte (check-out), et le chemin inverse est aussi possible (check-in), comme souvent avec des limites (n’espérez pas passer des fichiers à vos amis). Le programme lui-même n’est pas très clair, mais on peut notamment lister le contenu de la carte SD avec un bouton (oui, par défaut, il n’affiche rien). Bien évidemment, DRM oblige, on doit passer par le programme pour toutes les opérations de transfert… La copie elle-même va dépendre de la carte SD et un peu du lecteur, mais ça peut être rapide. L’encodage d’un CD m’a semblé un peu long, mais en même temps j’utilise un lecteur optique de PC portable dans une machine virtuelle, donc ce n’est pas la situation idéale.
Et les fichiers me direz-vous ? Il sont dans un dossier caché (SD_AUDIO
) et sont évidemment illisibles avec les programmes standards (l’extension est SA1
). Bien évidemment, tout fonctionne parfaitement dans le baladeur (que je ne peux pas vraiment appeler « lecteur MP3 »), et heureusement.
La conclusion ? Le SD-Audio n’a jamais été un succès, même au Japon. Et comme tous les trucs basés sur des DRM et des logiciels compliqués et propriétaires, c’est (très) vite énervant.