Intel Optane et les Mac (3)

Je vais terminer la petite série sur Optane avec un produit encore plus particulier. Après le SSD hybride et le SSD de 16 Go, le SSD de 480 Go, c’est-à-dire le seul réellement utilisable comme disque système (même si le mot disque n’a évidemment aucun sens ici).

En fait, Intel a sorti une gamme de SSD à base d’Optane pour les personnes qui veulent… le plus rapide (dans une certaine mesure, on va le voir). Les modèles de la série 900p et ceux de la série 905p sont très proches (en gros, le second est une version optimisée du premier) et ils existent sous différentes formes. Le 900p existe en trois variantes : 280 Go en PCI-Express (sous la forme d’une carte) et en U.2 (un format professionnel, du 2,5 pouces – comme les HDD et SATA – avec une connexion PCIe -) et 480 Go en PCIe (le modèle que je possède). Le 905p existe en M.2, mais avec quelques limites : une capacité de 380 Go (ce n’est pas énorme) et un format pas très courant, le 22110. En gros, ça rentre probablement dans une carte mère de PC de bureau, mais pas nécessairement dans un PC portable ou un boîtier externe, limités au 2280 (les deux chiffres à la fin indiquent la longueur en mm). Il existe aussi en U.2 (480 Go, 960 Go, 1,5 To) et en PCI-Express (960 Go et 1,5 To). La différence entre 900p et 905p est assez faible (de l’ordre de 10 % selon Intel).

Le 900p en PCI-Express

A la question « Est-ce que ça marche sur Mac ? », la réponse est oui. D’un point de vue technique, c’est un SSD PCI-Express en NVMe standard, donc si vous avez un Mac sous High Sierra (au minimum) avec une ROM à jour, on peut l’utiliser et démarrer dessus. Dans les faits, j’ai vu dans mes recherches quelques personnes qui utilisaient ce type de SSD dans des Mac Pro « tour », que ce soit dans un 2012 ou dans un 2019. C’est aussi évidemment utilisable en Thunderbolt, mais on perd un des avantages d’Optane : la latence. Les tests sont un peu sommaires, mais le Thunderbolt ajoute un peu de latence au bus PCIe au départ, et le type de connexion en interne (CPU ou chipset) en ajoute aussi un peu.

macOS le voit


L’Optane en Thunderbolt


Le SSD du Mac (regardez la dernière ligne)

Pour le sujet, j’ai installé macOS Big Sur sur le 900p relié en Thunderbolt 3 à un MacBook Pro 2017 et ça fonctionne. A l’usage, ça ne change pas la vie, il faut bien le dire. Le SSD Optane est certes environ 3x plus rapide que le SSD Apple sur les accès aléatoires, mais les SSD NVMe actuels sont assez rapides pour rendre l’avantage anecdotique. Si vous partes d’un SSD SATA (ou même d’un mauvais SSD NVMe), le gain en réactivité peut se voir de façon marginale, mais c’est tout. En fait, et c’est un des soucis d’Optane, les usages normaux ne permettent pas réellement de mettre en avant les gains. Et pourtant, ils existent : on gagne (un peu) en réactivité, les performances ne bougent pas avec le remplissage étant donné l’absence de cache, les performances sont très stables sur toute la surface du disque (encore une fois, c’est une métaphore) et le TRIM n’est pas obligatoire. Sur un SSD NVMe moderne, par exemple, vous allez écrire à la vitesse annoncée pendant un certain temps, qui dépend de la façon de gérer le cache : ça peut varier de quelques dizaines de Go à environ 1/3 ou 1/4 de la capacité totale. Au-delà, vous allez perdre très nettement en performances, parfois avec des débits dignes d’un disque dur. Mais pas sur Optane. De même, la durée de vie annoncée est phénoménale : le commentaire de Gilles l’explique bien. Si vous prenez un SSD de ~500 Go classique, comme un Samsung 980, la limite annoncée en écriture est de 300 To. Vous pourrez probablement aller nettement au-delà, mais Samsung considère que la garantie se termine à cette valeur. Pour le 900p de 480 Go, la limite est de 8,7 Po (8 760 To).

L’Optane en interne sous Windows


Le Crucial P1

Il faut bien comprendre que sur un Optane, les performances en lecture et écriture sur du séquentiel sont moyennes, sans plus : on est sur 2 500 Mo/s en lecture et 2 000 Mo/s en écriture, quand les SSD NVMe modernes atteignent le triple (en PCIe 4.0) et bientôt quatre à cinq fois plus (en PCIe 5.0). Mais sur les accès aléatoires, ce n’est pas la même chose : Optane reste largement devant en lecture et c’est le nerf de la guerre pour les performances. La raison est technique : la mémoire flash NAND lit et écrit sur des blocs de données assez gros quand en Optane on peut accéder à chaque octet directement. De façon schématique (ça dépend un peu du type de mémoire flash), on doit lire entre 4 et 16 ko au minimum (une page) et quand on efface de la mémoire, c’est par blocs, qui contiennent plusieurs pages. Ce point technique ralentit donc certaines tâches (dans une certaine mesure) sur un SSD classique et pas sur Optane. Mais encore une fois, on atteitn en réalité de telles débits que la différence est finalement faible à l’usage, sauf dans des cas très particuliers, liés au monde professionnel.

La grille pourrait laisser penser à un ventilateur… mais non

Maintenant, pourquoi tout le monde n’a pas de l’Optane ? D’abord, j’en avais parlé, c’est cher. Mais genre vraiment. Intel n’en vend plus, mais un 900p de 480 Go valait 600 $ en décembre 2017 au lancement (~400 $ en 280 Go) quand un bon SSD SATA de 250 Go valait 115 $. En mai 2018, quand Intel a lancé le 905p de 960 Go, il était proposé à 1 300 $, alors qu’un SSD NVMe correct de l’époque valait 450 $ officiellement. Et avec la baisse continue des SSD NVMe (et Intel qui a rarement ajusté ses prix), l’écart a même augmenté avec le temps. Ensuite, ça chauffe pas mal. La version M.2 nécessite vraiment un dissipateur, les variantes PCI-Express chauffent beaucoup (vers 50 °C au repos) et consomment vraiment beaucoup : Intel indique 14 W pour le 900p de 480 Go (en pointe) et les 905p montent (un peu) plus haut. Ensuite, il y a la capacité, liée au prix en partie : les puces de mémoire ont une densité assez faible et donc il était compliqué de faire des SSD compacts et de grande capacité. C’est une des raisons de la faible capacité du seul modèle M.2, qui en plus utilise un format assez rare (le 2210). Et dernier point, lié encore une fois, les performances séquentielles sont moyennes et ne dépendent pas de la capacité. Sur un SSD à base de flash NAND, on peut gagner en performances en mettant plus de puces en parallèle, mais les SSD Optane ont déjà beaucoup de puces à cause de la densité faible et donc les performances sont constantes. Et si ~2 Go/s semblait une valeur correcte en 2017, en 2022 c’est vraiment dans le bas du panier (même s’il faut bien l’avouer, ça ne change pas grand chose en pratique).

Dans tous les cas, le 900p a trouvé sa place dans mon PC de boulot (et pas dans un Mac) en remplacement d’un Crucial P1. Et sinon, aussi, je n’ai malheureusement pas la version livrée avec un vaisseau Star Citizen (dommage).