Bon, la blague vient évidemment du nom : le Rabbit R1 est l’objet connecté à l’IA à la mode, le Nabaztag (lapin en arménien), un objet connecté à la mode dans les années 2000. Mais quand on lit les tests et l’excellent papier de MiniMachines (j’ai reprise les titres), les similitudes sont nombreuses, sans réellement forcer le trait.
Un bien étrange lapin
Le Rabbit R1, c’est quoi ? Un appareil pas trop cher (200 $ aux USA), assez réussi visuellement, qui est une sorte de compagnon virtuel mais dont les usages sont un peu flous.
Le Nabaztag, c’est quoi ? Un appareil pas trop cher (vers 100 € il y a de nombreuses années), assez réussi visuellement, qui est une sorte de compagnon virtuel dont les usages sont un peu flous.
Certains points diffèrent évidemment, le principal étant la façon de communiquer. Le Rabbit R1 possède un écran et un (mauvais) appareil photo, le Nabaztag communiquait essentiellement par la voix et (un peu) avec ses LED et ses oreilles.
Un lapin pas bien malin
Alors très clairement, le Rabbit R1 et le Nabaztag ont le même problème de base : mais ça sert à quoi ? Dans les deux cas, les personnes qui testent doivent vraiment forcer pour trouver un intérêt réel. Les tests du Rabbit R1 le montrent bien (et Pierre Lecourt l’explique) : les choses montrées ne sont pas très intéressantes en réalité, même si c’est amusant sur le papier. Qui plus est, le Rabbit R1 dépend de l’IA et il se trompe donc de façon très régulière. Le Nabaztag ne pouvait pas répondre à des questions et les rares services (on va y venir) fonctionnaient bien, mais le Rabbit R1 est un peu du même niveau qu’un assistant vocal comme Alexa, Siri ou l’assistant de Google, pour cinq à dix fois le prix. Une bonne partie des réponses dépend de l’IA ou de Google, avec les erreurs habituelles.
Un gros manque de services de base
Bon, c’est assez simple pour le Nabaztag : il y avait peu de services. Pour le Rabbit R1, c’est un peu la même chose : on a assez peu d’applications et certaines fonctionnent moins bien qu’avec un simple assistant vocal (comme Spotify). De façon plus large, on revient au point précédent : mais ça sert à quoi ? Les applications sont peu nombreuses, ne proposent pas tous les services (il y a d’autres services de streaming pour la musique que Spotifiy) et visiblement le fonctionnement interne est un peu trop basique et pas très intelligent, même artificiellement.
Un modèle économique vicié
Ce sous-titre est de moi. Commençons par le Nabaztag : les lapins dépendaient des serveurs et étaient totalement inutiles (à l’époque) sans eux. Violet avait donc un gros problème : comme il n’y avait pas d’abonnement et pas de revenus récurrents conséquents (il y avait quelques services sur abonnement, en réalité), tout reposait sur les ventes de lapin. Et comme l’entretien des serveurs était onéreux à l’époque pour diverses raisons, c’était un cercle vicieux. Dans la pratique, les lapins sont morts vers 2011, après des pannes assez récurrentes au niveau des serveurs.
Pour le Rabbit R1, le problème est globalement le même : c’est un petit appareil sous Android et l’interface est essentiellement une application Android, qui peut être lancée sur un smartphone en bidouillant. Les créateurs avancent évidemment que certains choix techniques rendent l’objet obligatoire, mais c’est un peu du vent dans l’absolu. Le problème, c’est que l’application et tout ce qui est lié à l’IA dépend des serveurs et donc de la société qui est derrière. Et comme il n’y a pas d’abonnement pour profiter du Rabbit R1, les revenus viennent essentiellement de la vente du produit. Nous sommes exactement dans le même cas qu’avec le Nabaztag, donc : les ventes du matériel vont financer les serveurs, mais aussi augmenter la charge sur ces derniers, ce qui nécessitera plus de ventes, etc. La société derrière le Rabbit R1 a donc un gros problème si certains installent l’application sur un autre appareil, sans payer le produit : des coûts fixes qui augmentent (sur les serveurs) sans les revenus.
Dans les deux cas (a posteriori avec le Nabaztag), le modèle économique ne semble pas viable à moyen terme sans trouver d’autres sources de revenus. Il peut s’agit d’un abonnement (le plus évident) mais aussi de parteneriats. Ou tout simplement des levées de fond, le temps de trouver une autre solution. Mais étant donné les premiers tests, ça va être compliqué pour le Rabbit R1 d’atteindre la masse critique nécessaire, à mon avis.