Le Fujifilm FinePix 40i, l’appareil photo qui faisait aussi lecteur MP3

Le FinePix 40i de chez Fujifilm est un appareil photo sorti au début de l’année 2000 (il y a 25 ans) qui a une particularité : c’est aussi un lecteur MP3. Bien avant l’iPhone, il tente de combiner deux usages naissants à l’époque, donc. Et on va le voir, il fait ça plutôt très mal.

Le premier point à prendre en compte, c’est qu’il vieillit mal. C’est un peu idiot à dire, mais c’est compliqué de trouver un appareil qui marche correctement. Il y a plusieurs choses à prendre compte, mais les trois exemplaires que j’ai ont à peu près les mêmes symptômes : l’appareil ne s’allume pas nécessairement et ne s’ouvre pas. La solution de base, testée avec succès sur les trois, c’est de bien nettoyer les contacts de la trappe pour les deux piles AA. Il y a un petit interrupteur sous une des encoches de la trappe, aussi, et s’il n’est pas pressé, ça ne va pas fonctionner. Le second point, beaucoup plus gênant, c’est que l’objectif ne s’ouvre pas. En théorie, il doit sortir en faisant bouger un cache en métal et ça ne fonctionne pas. Je n’ai pas démonté mes appareils, mais il y a visiblement une petite courroie qui doit aider le mouvement et elle semble se désagréger après 25 ans. La solution est relativement simple : il faut faire bouger le cache manuellement avant d’allumer l’appareil, pour que l’objectif sorte et espérer que l’appareil n’a pas un autre problème.

L’appareil


L’appareil photo et la connectique

L’appareil est relativement compact pour l’époque. Il intègre un flash et un capteur de 2,4 mégapixels. Bon, le résultat reste moyen (même à l’époque) mais c’est tout de même passable quand il y a de la lumière. C’est nettement meilleur que les modèles VGA des générations précédentes et tant que vous êtes dans une pièce éclairée sans trop d’ombres – le capteur amène beaucoup de bruit numérique -, c’est honnête (j’ai mis quelques photos à la fin). Il filme, mais c’est anecdotique : du MJPEG en 320 x 240.

Une connectique reloue

Purement physiquement, l’écran est un peu petit (1,8 pouce) mais l’interface est à peu près correcte. Il s’alimente avec deux piles AA classiques et accepte bien les piles rechargeables, ce qui est une bonne nouvelle. Le stockage s’effectue sur un format de carte mémoire plus embêtant : des SmartMedia (3,3 V). Les cartes de ce type sont rares et la capacité maximale disponible n’est que de 128 Mo. L’appareil lui-même était livré avec une carte de 16 Mo, ce qui est une grosse blague, on va le voir. La carte que j’ai eu avec est plutôt jolie, avec une coque semi-transparente assez esthétique.

Deux piles


Une jolie carte transparente

Le principal problème vient du reste. Il a une prise barrel pour une alimentation externe (3 V), une prise jack 2,5 mm 3 points pour une sortie vidéo analogique (il ne sort que du composite avec de l’audio en mono) mais surtout deux prises propriétaires. La première est pour l’USB : Fujifilm utilise une prise USB compacte (carrée) inhabituelle. L’appareil date d’avant la standardisation du Mini USB et comme beaucoup de modèles de cette époque, il a une prise propriétaire compacte plutôt que la fiche B classique des imprimantes. C’est vraiment important de ne pas l’oublier si vous achetez un appareil de ce type, car la connexion en USB est obligatoire pour l’audio. Si c’est juste pour récupérer les photos, un lecteur de cartes sera plus efficace. La dernière prise, qui prend la forme d’un demi-cercle, est pour la télécommande qui prend en charge l’audio. SI vous avez besoin d’un câble USB, on en trouve parfois sur eBay, ou alors là.

Une sortie vidéo en jack 2,5 mm


Une prise USB propriétaire


Une prise audio propriétaire

Petit truc pratique tout de même, la télécommande audio peut servir à prendre des photos si vous avez placé l’appareil sur un trépied.

La partie audio

C’est la partie un peu ridicule. Premièrement, le FinePix 40i n’est pas réellement un lecteur MP3. Toute cette partie repose en effet sur un DRM et sur les cartes SmartMedia. Ce n’est pas le même fonctionnement qu’avec les cartes SD-Audio, mais l’idée sous-jacente est du même ordre : l’appareil ne lit que les fichiers audio transférés explicitement dans la mémoire. On ne peut pas mettre des fichiers MP3 quelconque, on doit passer par un logiciel de conversion propriétaire. La protection repose sur une fonction des cartes SmartMedia, l’ID. C’est un identifiant sur 128 bits, unique, qui est présent dans les cartes. Toutes les cartes ne sont pas compatibles, mais c’est généralement le cas des cartes de 16 Mo et plus, avec un logo dédié.

Le logo est plus visible sur une carte noire

Ce fonctionnement a deux contraintes fortes. La première, c’est qu’il faut donc une carte ID. La seconde, c’est que l’envoi de fichiers passe automatiquement par l’appareil, en USB. Visiblement, les lecteurs classiques ne peuvent pas lire l’ID et les outils de Fujifilm en ont besoin. La seconde contrainte, c’est que les fichiers dépendent donc de la carte (mais pas de l’appareil).

Avant même d’arriver à l’ergonomie déplorable de l’appareil, on arrive surtout au problème principal : le stockage. Par défaut, Fujifilm livrait une carte de 16 Mo, ce qui ne permet que de stocker environ 15 minutes de musique avec un débit passable (128 kb/s). C’est franchement peu, mais surtout on perd la possibilité de prendre photos. Et le moindre cliché en définition native prend environ 750 ko, ce qui réduit rapidement l’espace disponible pour l’audio. Même avec une carte de 64 Mo, on ne dispose pas d’assez d’espace pour mettre un album complet tout en gardant de la place pour des clichés. Et dans un accessoire qui est avant tout un appareil photo, c’est dommage.

16 Mo pour des photos et de la musique

La plaie des DRM

L’envoi des données n’a pas été une partie de plaisir. Le programme officiel n’a jamais fonctionné dans mon cas. J’ai testé sous sous Windows 98, Windows 2000 et Windows XP (en machine virtuelle) sans succès. A chaque fois, il m’a indiqué ne pas trouver de carte mémoire compatible (ça doit pourtant marcher, dixit ce vieux test). La solution, je l’ai trouvée avec ce site. Il faut installer Real Jukebox Plus (qui était fourni avec l’appareil) avec le plug-in nécessaire. J’ai suivi sa méthode : je suis allé récupérer un CD d’époque, j’ai bien tout installé avec le menu (sinon le plug-in ne s’installe pas) et j’ai utilisé une machine virtuelle avec Windows 2000. Et ça a fonctionné : j’ai pu détecter la carte avec ID et envoyer quelques fichiers MP3 sur la carte. Astuce pour Real Jukebox Plus, il faut un numéro de série (352-84517-6269).

Ca ne fonctionne pas


Le plug-in


Je ne sais pas trop ce que fait Real Jukebox, mais on se retrouve avec des fichiers .SVQ qui restent probablement des MP3. La taille est la même que le fichier d’origine, et le transfert est rapide, donc il n’y a probablement pas de recompression ni même de chiffrement. Je suppose qu’en réalité, les fichiers contiennent simplement l’ID de la carte SmartMedia et que le lecteur vérifie la correspondance entre l’ID de la carte et celui des fichiers, pour éviter la copie sauvage. Par ailleurs, les fichiers sont bien liés à la carte mémoire et pas à l’appareil photo : j’ai pu passer d’un appareil à un autre. Enfin, je peux noter un truc, le transfert n’est pas très rapide vu que l’appareil est USB 1.1 (mais ce n’est pas très grave avec une carte mémoire de 16 Mo) mais surtout, ça suce les piles. L’USB n’alimente pas l’appareil et donc il tire sur ses deux piles pendant les transferts.

Il reconnaît une carte ID


Il s’adapte à la capacité

Sous Mac OS, au départ, ça ne fonctionnait pas avec le logiciel de transfert. Mais après avoir installé une extension (notée USB Driver), le programme a reconnu la carte ID. Ce n’est pas réellement un pilote pour l’USB, parce que l’appareil fonctionne en UMS sous Mac OS 9 directement. Il permet probablement de détecter l’ID de la carte pour le logiciel. Du coup, on peut transférer un MP3 vers la carte, mais pas de la carte vers l’ordinateur. On peut aussi supprimer les fichiers et les renommer, même si l’appareil n’affiche pas les informations.

Sans le pilote


Avec


Transfert en cours

J’en reparlearis probablement dans un autre sujet, mais les cartes SmartMedia avec ID ont été employées dans des cas parfois particuliers, comme pour de la vidéo sur Game Boy Advance. Et il est donc possible de récupérer la clé (l’ID) avec des outils prévus pour les consoles de Nintendo.

Une ergonomie faible

J’en arrive à un autre gros défaut : c’est un mauvais lecteur MP3. Pas parce que la capacité de stockage est ridicule ni parce que la gestion des transferts est horrible, mais parce que c’est un mauvais lecteur. Pour lire de la musique, il faut brancher la télécommande, mettre un casque dedans et allumer l’appareil en mode audio. On perd l’écran (ce qui est logique pour la consommation) et tout se fait sur la télécommande, mais sans les noms de fichiers. On peut juste avancer et reculer, régler le volume et c’est à peu près tout. Je peux difficilement juger de la qualité, j’ai testé avec des EarPods et des fichiers MP3 à 128 kb/s (la limite du lecteur), mais ça ne semble pas extraordinaire.

La télécommande est moyennement ergonomique et n’affiche pas le nom des pistes

Pour terminer, je vous mets quelques photos, pour montrer que c’est vaguement passable (on va dire que comme il a 25 ans, c’est correct).

Le bordel de mon bureau



En extérieur


L’exposition est quand même bien ratée

Si je devais conclure, je dirais que c’était une mauvaise idée. Ce n’est pas un mauvais appareil photo pour l’époque, mais c’est un lecteur MP3 affreux. Le simple fait de n’avoir que 16 Mo de stockage en sortie de boîte est déjà bloquant, mais le côté propriétaire qui ne permet pas d’envoyer un simple MP3 dans l’appareil directement l’est encore plus.