Sony et les Memory Stick, c’est un peu bizarre. La marque japonaise a tenté pendant longtemps (sans véritable succès) d’imposer ses cartes mémoire, et elle a surtout proposé pleins de trucs bizarres. Les Mirroring Memory Stick dont je vais parler sont dans le cas : Sony a littéralement proposé du RAID interne dans ses cartes.
Les cartes Mirroring Memory Stick sont rares, elles sont sorties vers la fin de vie du format (aux environs de 2012). Il en existe a priori trois, avec une capacité de 16 Go (la mienne), 32 Go et 64 Go. Les trois ont la même référence : MS-PXxx
(avec xx
pour la capacité). Je ne suis pas certain que la carte de 64 Go existe en réalité : c’est une carte Memory Stick XC, qui permet de dépasser la limite de 32 Go des Memory Stick Pro, et je n’ai pas trouvé de photos de la carte. Elle nécessite du matériel spécifique compatible avec la cette version de la norme (équivalente au SDXC), qui n’a a priori jamais été déployée. Les cartes sont des modèles Pro HG Duo, c’est-à-dire des cartes avec une interface 8 bits (il y a quatre broches de plus) et une fréquence d’horloge de 60 MHz. Dans la pratique, les cartes de ce type peuvent atteindre 60 Mo/s, contre 20 Mo/s (4 bits, 40 MHz) sur les cartes Pro (Duo) classiques. Physiquement, la carte Mirroring Memory Stick que j’ai est en format Duo et ressemble à n’importe quelle carte. Pour les contacts, Sony n’a pas ajouté des broches comme pour la norme SD, mais a divisé une partie des broches en deux parties.
Trois modes de fonctionnement
Parlons théorie. Les cartes contiennent a priori deux zones totalement séparées pour la mémoire, avec trois modes. Je ne suis pas totalement certain de la façon dont ça fonctionne, mais j’ai déduis le tout des réglages possibles et des performances des cartes. Le mode de base offre la capacité totale de la carte (16 Go dans mon cas) avec de bonnes performances en lecture (56 Mo/s) et des performances en écriture moyenne (environ 20 Mo/s). Le mode miroir propose une capacité divisée par deux (8 Go, donc), des performances en lecture divisées pratiquement par deux (environ 31 Mo/s) et des performances en écriture équivalentes (vers 20 Mo/s). Enfin, le mode haute performance offre une capacité divisée par deux (8 Go), des performances en lecture correctes (56 Mo/s) et des performances en écriture doublées (~40 Mo/s).
De ce que j’ai déduis, voici comment ça fonctionne. Dans le mode standard, la carte écrit alternativement les données sur chacune des zones. Je vais parler de puces, faute de mieux. Elle écrit donc x octets sur une puce, puis x octets sur l’autre, et alterne. Le débit pratique en écriture est celui d’une seule puce. En lecture, elle lit probablement directement sur les deux puces en parallèle.
En mode miroir, elle écrit simultanément la même chose sur les deux puces, une sorte de RAID 1 interne. On a donc la capacité d’une seule puce mais aussi les performances d’une seule puce, ce qui explique les performances réduites. Le fonctionnement exact du mode miroir est totalement caché, et visiblement géré par la carte elle-même. En cas d’erreurs sur une puce, c’est la seconde qui prend le relais, comme en RAID 1. C’est une solution qui ne protège par contre les défauts physiques, mais bien contre les erreurs au niveau des puces, une sorte de sécurité pour ceux dont les enregistrements sont importants et qui peuvent se contenter d’une capacité divisée par deux. La lecture n’est pas réellement deux fois moins rapides, mais c’est probablement l’interface elle-même qui limite un peu : elle permet 60 Mo/s et une seule puce atteint 31 Mo/s.
En mode haute performance, on s’approche d’un RAID 0, mais le fonctionnement diffère tout de même : on perd en capacité. Je peux supposer que la carte divise les données à écrire en deux et travaille simultanément sur les deux puces pour accélérer les débits. Mais je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas faire un RAID 0 classique qui ne divise justement pas la capacité. Il y a peut-être de la correction d’erreur ou une subtilité que je rate. En lecture, la carte lit sur les deux puces en même temps.
Le problème du logiciel
La boîte indique que la carte arriver formatée en mode miroir, mais dans le cas de la mienne, ce n’étais pas le cas : elle était en mode standard (16 Go). La recherche du logiciel a été un peu compliquée. Pour passer d’un mode à l’autre, ce n’est pas un interrupteur comme sur les Memory Stick Select (un autre format Sony bizarre), mais il faut passer par le Memory Media Utility de Sony. Ce logiciel est dédié aux cartes de Sony et nécessite notamment des pilotes. Et surtout, c’est important, la version actuelle (4.7 ou 5.0, selon votre Mac) ne prend plus en charge les cartes Memory Stick.
Sony ne propose pas d’archives de ses programmes, et j’ai donc cherché la version d’époque (4.1), sans succès. Puis j’ai regardé dans mes archives : le programme est partagé avec les cartes SxS. J’avais une vieille version sauvée… mais pas assez vieilles (la 4.4). J’ai donc cherché sur les vieux sites de Sony, avec archive.org, et j’ai finalement trouvé un lien pour la version 4.3. La sauvegarde n’était pas valable, mais le lien est encore actif en 2025. La bonne nouvelle, c’est que la 4.3 fonctionne avec les cartes mémoire. La mauvaise, c’est qu’elle demande un vieux Mac, à cause du pilote (il existe aussi une version Windows).
J’ai donc pris mon ancien MacBook Air 2012 sous Mojave, et ça fonctionne. Vous aurez aussi besoin d’un lecteur de cartes USB. Selon Sony, ça fonctionne avec n’importe quel modèle, mais il faut éviter ceux qui passent par une autre interface (par exemple le PCMCIA). Le programme permet de sauver le contenu de la carte automatiquement à l’insertion, mettre un mot de passe (qui nécessite le logiciel de Sony ou une caméra compatible) mais surtout de changer de mode. C’est assez rapide, quelques secondes seulement, et tout le contenu de la carte est effacé. Il suffit ensuite de débrancher la carte et de la réinsérer. Attention, le programme nécessite bien de choisir le lecteur dans la partie de gauche, il ne sélectionne pas automatiquement une carte.
Une solution étonnante et un peu vaine
La solution de Sony semble un peu vaine tout de même. Au lieu de travailler avec un pseudo RAID 1 qui doit être compliqué à mettre en place, tout comme le pseudo RAID 0, la marque aurait pu permettre de passer du mode MLC au mode SLC. Je ne suis pas totalement certain que cette possibilité existait à l’époque, ceci dit, mais le résultat aurait été proche : une carte mémoire ou un SSD forcé en mode pseudo SLC perd en capacité (on divise par deux à quatre selon le type de mémoire), gagne en sécurité – c’est plus fiable et durable – et en performances en écriture.
Le principal problème pour Sony, c’est que les cartes sont sorties quand le format SD avait déjà gagné. Même Sony équipait déjà une partie de ses appareils avec des lecteurs de cartes SD. Enfin, le mode 8 bits n’est pas assez rapide pour les cartes : il limitait déjà à l’époque en lecture.
Très intéressant, merci beaucoup!